Boucles d'oreilles blanches dans tramway noir de monde.
Le tramway est bondé.
Elle se pousse d'une place pour me permettre de m'asseoir. Je la remercie et alors elle me dit :
- Vous n'auriez pas 2 €, Madame, s'il vous plaît ? Oui, s'il vous plaît, pour acheter de la colle.
- Pour acheter de la colle ?
- Oui, pour recoller mes chaussures.
Elle me montre alors ses chaussures sur ses pieds tout petits qui ne touchent pas le sol. Je ne vois rien de particulier. Je cherche les 2 € sans chercher à comprendre. Juste ce mouvement intérieur qui se fait en moi. Je lui donne la pièce trouvée et elle me remercie avec une spontanéité d'enfant. Elle a l'air si heureuse.
Puis, je la vois s'affairer dans son sac et elle en tire une paire de boucles d'oreilles. Elle veut à tout prix me les donner.
- Si prends- les, comme cela, tu penseras à moi.
Comment refuser ? J'accepte ...
- Comment t’appelles-tu ?
- Sandrine, répond-elle.
- C'est un prénom que j'aime bien ! Car j'ai une amie qui s’appelle comme toi ; je penserai à toi.
Elle vient alors poser sa tête contre mon épaule et se serre contre moi, toute confiante.
Quel moment si simple, si grand d'humanité dans ce tramway noir de monde ! Elle a ouvert encore un peu plus mon cœur. Les boucles d'oreilles resteront le signe de cette rencontre inattendue qui bouscule les codes sociaux. De sa petite taille, et avec son grand cœur tout simple, elle a transformé ce court voyage en un moment suspendu qui s'est gravé en moi pour toujours.