Début de matinée
Début de matinée, ville du sud
Jardin public entre deux lignes de tram
Un ginkgo immense aux feuilles vert foncé et deux rejetons aux feuilles vert pâle.
Observer la vie qui circule...
Sur un banc, je me pose pour absorber les rayons doux du soleil et j'entre dans ce microcosme. Je découvre assise sur le banc d'à côté, une femme aux cheveux blancs, voûtée, tenant son sac sur ses genoux.
Sa solitude vient appeler mon cœur. Elle regarde devant elle. Qu'attend elle? Je cherche à attirer son regard, mais il ne se tournera pas vers moi. Aurai-je dû lui parler? Faire un bruit pour qu'elle tourne la tête? Que juste je lui souris...
Insupportable solitude de cette vieille femme, vraie solitude assumée, renvoyée à chacun et que nous fuyons tous.
Ma compassion était-elle tournée vers elle? Vers nous tous, pauvres humains enfermés dans nos mondes intérieurs et les fuyant toujours dans toutes ces activités que nous nous donnons.
Quand nos forces faiblissent, continuons-nous de créer toutes ces ruses pour assurer notre seule véritable solitude?
Ma compassion a perçu quelque chose de cette souffrance commune que nous portons conscients, inconscients, et dans cette communion à cet espace intérieur névralgique, c'est un plus grand amour pour nous tous qui m'a saisi.
Elle s'est levée, a pris son sac, ployée par les années, elle a pris son chemin.
Un tourbillon de vie s'est donné à voir. Des gens courent pour passer d'un tram à un autre; les nounous poussent des petits convois d' enfants; d'autres voyageurs tirent leur valise; un petit garçon sur un vélo rose donne toutes ses forces aux roues qui avancent; une maman déplie sur l'herbe un tissu flamboyant et s'installe sur l'herbe avec ses deux enfants...
Je me lève à mon tour, prend mon sac, vais toucher l'écorce du ginkgo... Début de matinée...