La nuit se déchire toujours.
Il y a un point magique qui se déclenche chaque nuit et fait que le ciel noir s'éclaire subtilement. Nos capteurs sensoriels le goûtent de façon très subjective et nous font affirmer: il fait jour. Comme une tâche d'encre qui se diluerait sur un papier buvard, la lumière gagne le ciel et parfois colore somptueusement ce début de journée.
Il y a deux autres points de bascule tout aussi magiques, quand nous franchissons la nuit la plus longue ou le jour le plus long. Légère tristesse au solstice d'été, vite oubliée à la chaleur de l'été; joie au solstice d'hiver, parfois atténuée par l'hiver qui est là ou qui vient. Positions théoriques parfaites dans les révolutions successives de cette danse entre soleil et terre. Admirable!
Cette année, je ressens fortement ce à peine visible. J’ai trop besoin de lumière. Ne sommes-nous pas allés au bout de la nuit? Nuit où la barbarie est revenue. Le bruit des guerres lointaines s'est encore rapproché. Nous voilà suspendu entre méfiance, peur de l'autre, danger potentiel et conscience du caractère sacré de toute vie, de notre fragilité, du besoin urgent de la fraternité.
Les jours vont devenir plus longs, tout doucement d'abord... Seront-ils reflets de nos avancées intérieures? Les petites touches de cette lumière nouvelle suffiront-elles à déchirer la nuit de nos doutes, de nos blessures, de nos visions parfois si exclusives. Nous apprendront-elles à nous parler vraiment, sans nous faire mal? Nous permettront-elles d'éclairer l'Autre avec de douces nuances?
Nous portons la peur d'une nuit qui deviendrait plus sombre, sans étoiles et sans lune, nous enserrerait et nous ferait disparaître. Mais la nuit se déchire toujours, d'une façon plus ou moins prévisible, juste un ressenti qui accompagne notre traversée terrestre, restaure le minimum de confiance pour vivre cette folie de Vie.