Quelle folie! Quelle espérance?
Des jours sombres ces temps-ci. Un ciel qui se vide de son eau, plus que d'habitude.
Des rues entamées de coups, de cris, de blessures et de morts. des gestes de détresse, des gestes de solidarité. Je navigue entre incompréhension, hébétude, révolte, non vision, espérance et amour de notre humanité.
C'est comme un immense brouillard qui nous entourerait, se crèverait par moments de ces scènes pathétiques de violences aveugles, solitaires ou groupées. Plus qu'une incertitude, une béance de non projet commun... Et pourtant, en moi, toujours un mouvement qui pulse, qui apprend à vivre dans ce pays, paysage brumeux...
Être dans cette incertitude où la route ne se dessine pas sur la carte mondiale, dans les enjeux communs que nous partageons; incertitude qui oblige à chercher la confiance dans un au delà de soi, à confirmer la foi en l'humain au delà du visible médiatisé.
Voilà que mes pas me portent là! Face à moi, cette devanture incroyable "En attendant les barbares" Je m'arrête...
Quel est ce message qui m'arrive, me bouscule? L'image devant moi et celles si fortes de ces derniers jours se télescopent en moi, se heurtent. Est-ce le symbole de ce qui se vit actuellement: une attente passive, parce que nous ne savons que faire, que penser, que dire, que croire?
Cette mise en scène est-elle une provocation qui opposerait raffinement et barbarie? Il y aurait les gens raffinés qui peuvent flamber dans des sièges luxueux et les autres, ces barbares, ces figures encagoulées, ceux qui cassent et qui détruisent, ceux qui rejettent et qui excluent. Une devanture qui choisit un terme si fort pour vendre de beaux meubles! Folie!
Puis, un autre message se dit en moi; celui que je préférerai. Message donné, reçu pour ne pas rester sidérée sur le trottoir... Ce message caché serait-il celui de la douceur évoquée par le fauteuil, son tissu, sa couleur, par cette mise en scène qui évoque un renversement, comme une façon tranquille de stopper ces débordements furieux?
La barbarie ne serait pas attendue avec d'autres armes, mais avec celle de la douceur qui rend la transformation toujours possible de chacun de nous dans nos parcelles intimes de violence et qui pourrait aussi réduire cette barbarie visible aujourd'hui. Quelle attitude intérieure avoir? Quelle espérance, douce et folle, pourrait habiller nos cœurs pour surprendre, suspendre cette menace toujours présente de la folie barbare?