Le bruit du monde.
Faut-il laisser entrer le bruit du monde dans ce bout de terre, un peu mon bout du monde, au bord de mon cœur ?
Ne va-t-il pas tout polluer, envahir, étouffer même les chants des oiseaux, le cri des rapaces, l'aboiement rauque des chevreuils qui se sauvent déjà bien vite alors que je prends garde à ne faire aucun bruit ?
Comment faire avec ces bribes d'informations, contradictoires, macabres, éprouvantes qui suscitent en moi perplexité devant ces clivages, ces contradictions, impuissance face à la haine, désarroi et compassion quand la terre brûle, quand elle se noie, quand tant d'êtres humains souffrent, que d'autres bafouent nos liens d'humanité ? ...
Oui je ne sais que faire de tout cela.
Laisser venir le bruit du monde et le confier au vent des cimes. Qu'il le transporte au delà de nos mondes, le transforme en souffle de sagesse qui envahirait les cœurs, conduirait l'action de chacun à sa mesure !
Laisser venir le bruit du monde et l'enfouir dans le sous-bois. Qu'il s'enfonce dans le magma de la terre. Qu'il soit brassé, épuré, transformé en une rosée argentée immense qui s'incarnerait en chacun et conduirait nos pas avec entrain fraternel !
Que mes mots à leur tour ne forment pas sa caisse de résonance, ni son tambour colporteur d'angoisse.
L'accueillir sans bruit supplémentaire... L'entendre avec distance, mais avec bienveillance. L'écouter comme l'expression de ce qui se cherche, se perd, tente d'y voir clair sans être dupe des jeux de pouvoir, de destruction qui sont présents.
Être sûre au fond de moi, que pas plus que l'enfant coléreux hurlant bien fort finit par se calmer et repart à l'assaut de sa vie régénéré, le bruit du monde s'apaise et puis repart.
Être dans cette attitude nécessaire à l'enfant, faite de calme, de doute, d'amour au delà de ce qui est, pour poursuivre notre chemin d'humanité.