Exil!
Je cours prendre mon train. Un peu de stress ! Si je le rate, des ennuis en perspective !!! Et alors que s’enclenchent en moi ces pensées bien habituelles de nos vies pressées, surgit l’image vue hier :
Un père de famille iranien qui porte sa fille handicapée sur son dos se presse car il sait que la frontière va bientôt être fermée ; il dépose sa fille et repart chercher sa femme et ses deux fils ; ils tentent de courir et réussissent à passer juste avant que ne tombe la barrière.
Mon pas ralentit, je suis reliée à cette famille qui hier, quelque part, en Europe est dans ce voyage d’exil.
Tout en continuant de marcher, j’ai vu tous ces chemins de pierre des terres de bataille. J’ai senti la terreur des crimes à venir qui pousse pères et mères à tout tenter pour que la vie qu’ils ont donnée en leurs enfants ne s’arrête pas soudain. La Vie plus forte qui tente tout, est prête à tout, et qui franchissant plusieurs frontières repousse plus loin encore les limites intérieures. Ici fuite veut dire courage. Je sais que pour eux, plus rien ne sera comme avant. Dans les mémoires, de tous âges, les bruits de la guerre, le goût de la terre première, les sons habituels de leur pays, les odeurs, les couleurs demeureront .
Le doute viendra aussi quand les jours espérés chaleureux seront sombres des refus, des indifférences, des stigmatisations. Leurs cris intérieurs, non audibles, ne suffisent pas à nous réveiller et nos impuissances réciproques font un brouhaha au-dessus de nos têtes.
Il y a ceux qui agissent ; il y a ceux qui prient ; il y a ceux qui prient et agissent; iIl y a ceux qui pleurent sans bruit; il y a ceux qui parlent; il y a ceux qui ne voient rien…
Moi j’écoute cette immense plainte de notre humanité qui hante les routes des exils, qui s’échappe des villages ou des villes assaillis de combats, qui crève nos écrans médiatiques, qui vient s’installer en nous-mêmes et nous invite à cette communion.
Faut-il encore que nous ne soyons pas exilés de nous-mêmes pour accepter de rejoindre en humanité ces familles en chemin d’exil ?