Temps de l'épreuve...
Ce temps-là redouté, survient pourtant, pour tous. un jour, un autre. Quelques signes qui flottent, qui passent inaperçus, qui seront relus plus tard comme avant-coureurs. Pas de signes, cela tombe du ciel! monte de la terre!
Épreuve du deuil, de la séparation, de la blessure donnée, de la blessure reçue, de la trahison, de l'absurde qui surgit dans la vie.
Épreuve solitaire, épreuve familiale, épreuve actuelle de notre société qui sépare, exclut, qui sans projet collectif semble aller droit dans le mur et montre ses stigmates au grand jour.
Épreuve dans laquelle certains vont au bout du désespoir, exercent de façon ultime leur liberté.
Temps nécessaire qui dévoile l’insoupçonné au creux de nos êtres. Peut-on imaginer la nuit sans jour, un tunnel sans issue... Et pourtant, c'est bien dans cette fin sans fin que nous projetons l'issue de l'épreuve. Non il n'y aura pas d'issue, je ne survivrai pas... C'est alors qu'étonné soi-même, de soi-même, nous nous apercevons que nous continuons d'avancer et que peu à peu, nous découvrons ces petits riens de la vie qui lui donnent un nouveau goût. C'est alors que nous réalisons que se dévoile en nous cette part encore ignorée que le temps de l’épreuve va révéler.
Ainsi le tirage de l'épreuve, du temps de la photo argentique, faisait apparaître du négatif par magie, l'insoupçonné, le non visible à l'œil nu. Cela demandait une pièce noire et une lumière blanche. Pouvons-nous apprendre de ces nuits noires de nos vies?
Quelles personnes seront là pour nous donner cet éclairage spécial qui dégagera l'inconnu en nous-mêmes? Quels moments d'arrêt seront nécessaires comme les temps de la pause pour faire sortir de la gaine enfermante de l'épreuve, d'autres ressorts de nouveau dynamisme? Quels mots doux seront donnés, reçus, comme la pince qui retournait tranquillement et avec délicatesse dans son bain le négatif, pour résonner en nos cœurs et ouvrir peu à peu ce que nous croyions irrémédiable, sans issue?
Peu à peu ou tout d'un coup, nous nous apercevrons que la joie regagne quelques pays en nous-mêmes, voire les envahit tous. Nous serons alors étonnés de ce qui s'est passé et de notre capacité à habiter autrement et parfois encore mieux nos espaces de vie. Nous nous découvrirons autre, plus riche, plus entier, plus vivant.
Oserons-nous remercier la vie de ce temps de l'épreuve donnée? Serons-nous prêts à dire Oui à tout ce qui surviendra, maintenant assurés qu'il n'y a pas de nuit sans jour, de tunnel sans sortie...? Nous oublierons peut-être, traverserons à nouveau d'autres landes difficiles, repartirons...Encore et encore...
Pouvons-nous regarder ce temps de l'épreuve pour notre société comme celui des émergences à peine visibles, silencieuses, fruits des actes posés par les uns et les autres, des regards qui changent, du sens de nos vies ensemble enfin interrogé, des intelligences qui élaborent d'autres modèles ... Pouvons-nous, nous étonner déjà de ce qui sourd dans nos vies élargies et contempler ces bourgeons du renouveau printanier qui est là visible autour de nous? Sont-ils les négatifs des bourgeons à venir des transformations en cours du temps de l'épreuve d'humanité actuelle?