Au bord du vide
Sur la route du littoral à l'île de la réunion, il y a un point de vue qui me surprend toujours. Je ne peux prendre de photo car la route est trop dangereuse et cette fois-ci, une drôle de question est venue, timide puis s'est enhardie.
En fait, la route se situe en surplomb, entre les falaises noires et l'océan indien. Il n'y a que la mer qui est là, immense, pas de trace de bateau croisant au loin.
Se dessine alors une courbe assez douce, qui tout d'un coup, m'a donné cette impression que la terre s'arrêtait là-bas, que l'océan pouvait se vider à la limite de cette ligne.
C'est parce que nous savons que la terre est ronde, enfin presque, que nous ne limitons pas notre perception, transformons ce que nous voyons et dépassons alors l'angoisse qui pourrait surgir. Qu'y a-t-il là bas, au bout?
Ce que je vois en cet instant, c'est loin, bien sûr, mais c'est comme en deux dimensions, un trait qui marque un arrêt, une finitude, quelque chose qui disparait
Pour ces hommes et femmes nés, bien avant la révolution Copernicienne, cette vue était peut-être bien angoissante, comme un vide qui aspire et contient toutes les légendes terrifiantes.
Ne cherchons-nous pas toujours à tout expliquer pour venir à bout de nos sacrées questions? Nous n'acceptons pas simplement ce que nous voyons.
Quand de même, au bord de l'abime existentiel, toute situation se trouve transformée par la peur, alors nous ne voyons plus et construisons nos raisons comme des protections. Est-ce la même peur?
Que tout s'arrête? Que tout disparaisse ?
La ligne de l'horizon ouvre tout un infini et marque une limite qui peut être angoissante, comme un vide possible. Dans chaque situation difficile, nous hésitons entre notre perception déformée par la peur et le savoir objectif qui n'explique pas tout. S'agit-il d'apprendre simplement à voir et à entendre en nous mêmes?