Le Vent de la Peur à ST Germain des Près.
Quinze minutes se libèrent ce jour-là et mes pas me guident vers l'église St Germain des Près. Une halte au cœur de la ville, au cœur de toutes ces questions qui se succèdent, de tous ces micro problèmes à régler, à faire avancer; l'espoir d'un moment pour moi, calme, de méditation.
Dans cette direction que prennent mes jambes et tout mon être, je ressens une joie intérieure à l'idée de savourer ce calme et la paix possible dans cette nef chargée d'histoire, toujours écoutante des prières de tant d'hommes et de femmes qui sont passés ici.
Je rentre par la porte de côté, rue de l'abbaye, celle du Moyen Age, celle qui traversa la Révolution et vais m'asseoir. Je prends contact avec ma respiration, écoute et réalise que c'est assez bruyant; je me dis "pas si calme avec tous ces touristes!" et puis je me recentre intérieurement...
Quelqu'un alors me touche et me dit : "vous devez sortir pour la sécurité!"
Je ne comprends pas et lui réponds: " Mais, on ne peut pas prier ici ?"
"Non, vous devez sortir pour la sécurité."
Je refuse de bouger. Il s'éloigne. Me laisse-t-il un petit répit? L'ai- je convaincu de ma non "dangerosité?"
Je prends encore quelques minutes, comme quelques respirations, et refais silence en moi-même.
Quand je sors, je ris intérieurement de cette situation. Le mot "Sécurité" s'est ainsi invité et traverse donc, sûr de lui, tous les rangs de ce lieu sacré.
Je ne ris plus, je nous plains. Je revois la vie multi bruyante et si riche de densité humaine quand les églises accueillaient tous les gueux, les mendiants, quand couraient les enfants, quand même les chevaux en franchissaient le porche. Le danger était pourtant aussi là. La vie est belle et dangereuse, elle nous fait naitre et mourir, nous libère et nous blesse. C'est comme si, dans cette soif de puissance, il était question de garantir partout le non risque, et oui, même dans les églises.
Le calme reste en moi et j'entends aussi ce vent de la peur qui veut souffler partout et faire croire que tout peut être contrôlé. Drôle de vent qui soufflant ainsi donne l'illusion qu'il ne soufflera plus. Tromperie, car il soufflera encore plus fort.
Seul ce qui est calme en moi est sûr. Seule, la prise de conscience de mes propres peurs, celles lointaines de l'enfance, me libère peu à peu et me détache alors de ce vent attirant qui veut toujours être présent.
La vie est tourbillon faite de désirs, d' illusions, d'émotions, de pensées, d'actions, de rencontres, si je l'accepte, c'est un jeu qui parfois me fait peur et je le sais, et parfois me fait rire et danser et m'emporte. C'est un vent contraire à celui de la peur qui ouvre nos cœurs si nous le laissons faire.