Regard, au delà de soi même.
Il y a des regards égarés qui se posent sur vous comme indifférents et si distants. D'autres effrayés, terrifiés, inertes, tellement fatigués. D'autres encore, comme des lacs immenses de tristesse ou des volcans de joie, des bulles qui pétillent.
Il y a des regards qui parlent sans mots, ils vous encouragent, ou vous blessent, vous fusillent sur place.
Certains sont lourds de mépris et d'autres comme un baume nourissier, pénétrent lentement en vous et viennent soigner vos blessures profondes et intérieures, celles parfois que nous ne connaissons même pas.
Toute la palette des sentiments est là, dans des distances, des expressions, une émotion. Je m'étonne de ce que les peintres réussissent à les capter et à rendre à chacun leur éclat si particulier.
Quel fut notre premier regard? Qui vint le chercher et le recevoir alors que notre vision était encore d'un autre monde? Que nous a t il dit? Qu'avons -nous perçu?
Ce premier échange est le point d'appui des relations à venir, il nous construit déjà dans ces aller retour où je me perds , où je me trouve, où l'autre est là et disparaît.
Apprendre à regarder pour ne pas passer sans rien voir, c'est à dire oser offrir et recevoir ce qui échappe de nous par ces yeux qui parlent pour nous.
J'ai tenté ces derniers temps d'isoler les regards, les dissocier du visage, et du nez, du front, de la bouche. Curieux exercice, difficile. C'est comme si le regard par un tour de magie faisait tenir ensemble invisible et visible, ramassait en son sein nos entrailles et notre âme.
Parfois j'essaie de sentir mon propre regard. Difficile, impossible? Non pas tout à fait. Comme un temps d'arrêt. C'est d'abord quand je voudrais que mes yeux soient comme des mitraillettes, alors oui, je le ressens, destructeur. Il peut me faire peur à moi -même et poursuit pourtant ce qu'il transporte de moi qui va contre le mur de l'autre.
N'est-ce pas lorsque la relation est difficile, entrain de se rompre qu'alors les regards se heurtent mutuellement? Le mouvement est interrompu, provoque la conscience.
La plupart du temps, mon regard est lui-même, au delà de tout mon vouloir et porte à l'extérieur quelque chose de moi que je ne connais pas. IL reçoit les autres regards et navigue dans ces mouvements de l'un à l'autre, inconscient, hésitant et vibrant, assombri, éclairé. Il est mon messager vers l'autre sans tricher, entier et vrai.