Piano fantôme
C'est une image qui surgit, d'un autre temps, d'un autre lieu et qui s'invite sans prévenir.
Il y a un immense piano qui semble si doux à toucher, son ventre ouvert s'unit au ciel et ses notes d'abord remplies de vie deviennent les nuages lourds d'une séparation qui n'était pas voulue.
Comment imaginer qu'elles se taisent tout d'un coup?
Que ressent l'enfant arraché de ce moment magique, quand, au lieu du toucher soyeux de l'enveloppe mélodieuse dans laquelle il était, s'imposent un espace froid, des murs hauts et gris?
L'aïeulle s'en est allée, l'enfant ne comprend pas.
Qu'a-t-il fait? Il était toute oreille et il n'entend plus rien. Il suivait l'histoire que ces notes racontaient en lui et le fil se perd, produisant du non sens.
Plus rien, il est seul. Il touche là le royaume des ombres. IL a peur, ne peut rien dire. Qui comprendrait?
C'était l'heure, voilà tout!
A peine à la conscience, les sensations sont les mêmes. C'était aussi un univers très doux, une enveloppe aquatique, un bercement rassurant, une lumière tamisée. Et tout cela s'arrête brusquement. Il n'a rien fait, il ne peut rien faire.
C'était l'heure , voilà tout!
Nous sommes nourris de ces moments magiques, de ces univers poétiques et nous souffrons de ces ruptures sans mots où, en apnée, nous attendons sans bruit, qu'un fil de lumière et d'amour vienne nous rattraper, qu'une mélodie souffle en nous le mouvement de la vie.
Tout cela n'est pas dit. Comme un mystère entretenu de nos univers intérieurs, semblables et différents. Et la musique céleste se trouve interrompue par nos gémissements humains, et nos cris, et les bruits des canons.