Embarquer pour Ouessant.

C'est comme si la terre n'en finissait pas de tomber à l'eau. Elle pousse au plus loin ce gros caillou d'Ouessant, étale presque des vertèbres granitiques, montre blocs de rochers, phares et  lanternes de pierre. On mesure en parcourant les miles, les forces en présence, le vent, l'eau, la lumière et la terre, dans un combat qui revient régulier, qui s'apaise et forme les paysages. L'immensité est offerte dans la mer qui s'en va loin, dans des landes qui prennent toute leur place, dans un soleil éclatant tout d'un coup ou dans les nuages du soir qui déversent des seaux de lumière.

Naissent ainsi des formes torturées, des arbres inclinés ou couchés et des rochers qui évoquent visages, dragons, héros légendaires. 

Et puis se nichent par ci, par là des petits coins de douceur par les murs qui entourent et protègent, par les pelages des chèvres sauvages ou des moutons en liberté, par un chemin rond qui s'en va devant nous.

L'empreinte de l'homme se fait discrète, humble et glisse en nous un sourire enfantin quand les poissons volent dans le ciel ou que les bateaux semblent atterrir au milieu de nulle part.

Il y a l'éclat lumineux qui frappe la mer, l'arum solitaire; la flaque d'eau et les petits ruisseaux.

C'est tout un opéra somptueux et délicat, fort et dramatique, multisensoriel qui nous accueille, nous prend entièrement. Embarquer sur Ouessant oblige bien à larguer les amarres, à accompagner terre, ciel et mer dans une danse éternelle qui nous emporte à son tour.