En secret...
Les brumes du soir viennent couvrir les creux du plateau, entourer les arbres d'écharpes qui s'effilochent. Elles enveloppent de mystère l'espace qui s'étend devant nous. Cette danse humide nous plonge dans le crépuscule et nous pourrions avoir peur d’être emportés, comme par des spasmes mouvants, à peine perceptibles. La terre respire en effet ; elle transmet au ciel son expire... Lui fait-elle part de ce qu'elle a vécu ce jour, la pluie qu'elle a reçue, les rayons de soleil qui l'ont caressée, le vent qui l'a traversée, les pas des quelques promeneurs qui se sont aventurés dans ces replis désertés ? J'ai l'impression d'assister à un rituel secret entre la terre et le ciel. Je me tiens toute petite, heureuse de ce cadeau qui m'est fait, heureuse d'entrer dans la confidence qui se murmure. Les ombres s'étendent et nous invitent à explorer nos propres ombres, à laisser expirer le secret de nos profondeurs.
Le soleil disparaît, silence de la nuit qui s'installe.
Les brumes du matin montent à la surface de l'eau, aimantées par le soleil qui les réchauffe. Elles se dégagent du lit froid de la rivière pour jouer avec la lumière, pour jouer avec les arbres. Le mystère est là aussi, dans ce réveil matinal. Ces voiles de gaze célèbrent à nouveau le mariage de l'eau et du soleil. C'est un éclat silencieux, ruisselant qui se donne à voir. Ce dévoilement lumineux est il à l'image de nos dévoilements successifs ? Quand nous perdons nos illusions, quand nous perçons un peu de notre propre mystère ? Vers quel éclat irons-nous ? Quelle noce avec nous-même allons-nous célébrer en ce jour nouveau ?
Le soleil éclate, bruits de la terre qui s'éveille...