Le phare solitaire.

Le phare solitaire balaie la mer noire de ses éclairs intermittents. D'habitude, on dit que ses faisceaux lumineux signalent aux marins embarqués la terre mais aussi ses abords dangereux.

L'image qui se présente à moi se transforme: je le vois fouiller de sa main de lumière ces eaux noires; je le vois  rechercher tous les dangers visibles et invisibles dans cette immensité grondante et remuante de vagues, de rochers. Telle une conscience introspective, il explore de façon régulière et rythmée l'inconscient océanique et révèle pour lui-même et quelques marins vigilants les gouffres et les maelstroms, les rochers et les contre courants. Pourtant voué au silence, son langage est celui de touches lumineuses que comprennent seuls ceux qui cherchent. Quand vient le jour, il s'apaise habituellement et reprend parfois, quand la tempête est trop forte, ou le brouillard si dense.

De quels inconscients océaniques venons-nous? Dans quels inconscients océaniques baignons-nous ? Y-a-t-il quelque part un phare qui explore en nous ces profondeurs, et nous indique les passages vers nous même ? Notre conscience ? Solitaire, irrégulière s'y emploie, s'approche... d'abord effrayée, elle fuit... Puis au-delà d'elle-même, y retourne, poussée par le désir de comprendre, de savoir... Mouvement de recherche inscrit en elle et au-delà d'elle...

Elle se perd encore, et à un rythme qui lui devient sien, poursuit son exploration, révèle les zones englouties, et offre, fragiles encore, des touchers de lumière, des ultra-sons d'amour pour les marins humains terriens que nous sommes.