Couloirs dortoirs!

Toutes ces maisons, tous ces appartements, toutes ces voitures, tous ces trains, toutes ces lignes qui se croisent, se frôlent, se séparent, tous ces humains.

Soleil qui se lève sur cette mégapole dans un ciel bleu délicat d'hiver. Les cheminées crachent de longs panaches blancs.

Et la ville bouge de tous ces déplacements, de tous ces trains qui convergent, de nos destins humains qui se croisent et s'éloignent, semblables et différents, nous portent par nécessité vers nos lieux de travail.

Avant de rentrer sous terre, j'aspire ce ciel, cet espace. Je colorie mon intérieur de ces couleurs du début du jour.

"Couloirs dortoirs" que nous empruntons, où nous regardons ces "cartons lits" qui abritent ceux qui ont veillé sur la ville, tandis que nous regagnions nos chez nous pour quelques heures. Des cheveux gris émergent, un corps enroulé sur lui-même, des pieds qui dépassent... Et nous passons, avec la lassitude de ne rien faire, avec ce cruel non-sens transporté en nous-mêmes. Nous attarderons-nous? Nous arrêterons-nous ? Repeindrons-nous les murs pour faire comme si la nature avait repris sa place, avec des vallons, et des bois et même un ruisseau clair qui chanterait? Transformerons-nous ces cartons en nos cabanes d'enfants?

Nous poursuivons vers cette nouvelle journée et nous laissons nos pensées reprendre leurs cours habituel: quelles rencontres? Quels projets? Quels ennuis? Quelles bagarres? Quels petits bonheurs?

Tous nos cœurs en secret avancent, enfermés en eux-mêmes, ouverts quelques secondes quand les regards se croisent, quand des sourires se donnent.

Dans la ville d'hiver, nous avons perdu ces espaces si nécessaires à agrandir nos cœurs et nous portons, très silencieux, nos vies parfois si vides, qui semblent cruelles, indifférentes... Et humaines aussi dans ces hommes et femmes qui dorment au milieu de la foule qui passe...Dans la blessure de l'absurde et de l'impuissance.